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MONIQUE BARICHELLA

Niçoise, généreuse et lucide, Monique...

C’était un lundi matin apparemment comme les autres, le 23 juin, il faisait beau sur la Marne.

Altamusica affichait sous mes yeux le com5 fev 2009 NYC.JPGpte rendu donné par Monique Barichella de la nouvelle production de la Cléopatre de Massenet à l’Opéra de Marseille. Lire Monique, c’était toujours un moment de soleil. Et pas seulement par notre vieille complicité de Niçois, ou mieux encore notre complicité de « Vieux Niçois », pas forcément meilleurs que les autres, mais les seuls vrais. Nourris de moments de mémoire partagée au cours de rencontres, cours Saleya, près de l’Opéra, ou devant une socca place Garibaldi, et aussi, à Paris, lorsqu’on venait de débusquer la meilleure truchia.

C’était un lundi matin apparemment comme les autres, le 23 juin, il faisait beau sur la Marne. A 16h, la nouvelle me parvient, Monique venait de disparaître. Une fin brutale, inattendue, qui laisse un vide immense.  Pour ceux qui la connaissaient, mais aussi sur une scène musicale qu’elle avait animée  et illuminée d’une passion généreuse mais lucide. Merci Monique. Alain Lanceron, un autre de ces Vieux Niçois et Richard Martet sauront mieux que moi trouver les mots pour nous le dire.

Alain Fantapié (Chézy-sur Marne)

 

La passion de l’opéra et de la vie, jusqu’au bout
Alain Lanceron

 

J’avais 19 ans lorsque j’ai fait la connaissance de Monique à l’Opéra de Nice,  elle en  avait 24. L’année suivante, nous nous sommes retrouvés par hasard aux Arènes de Vérone pour le fameux Don Carlo de Jean Vilar avec Placido Domingo et Montserrat Caballé. La représentation fut malencontreusement interrompue par la pluie après le «O don fatale » de Fiorenza Cossotto, ce qui fut particulièrement frustrant pour un spectacle que l’on pressentait déjà historique. Monique décida aussitôt de prolonger son séjour de deux jours pour assister à la représentation suivante et me proposa de rester avec elle, puis de l’accompagner ensuite à Bayreuth. C’est ainsi que, grâce à elle, un autre choc m’attendait quelques jours plus tard en découvrant le temple wagnérien lors d’un Vaisseau Fantôme où brillait Léonie Rysanek. Ce fut le début d’une amitié ininterrompue de près de 45 ans.

Nice 1976 Caballé, Lanceron.jpg

Monique avait un caractère entier, passionné, « outreboutiste ». Elle avait des emportements, des maladresses, des caprices, des exigences qui n’appartenaient qu’à elle. Elle pouvait être adorable et attentionnée, et irritante à la fois. La vie ne fut pas pour elle qu’un chemin de roses et au fil des années elle se disait s’être renforcée, caparaçonnée en quelque sorte, pour faire face aux désillusions ou plus simplement aux vicissitudes de l’existence qui, après l’avoir beaucoup atteinte, ne semblaient plus que glisser sur elle. Elle reçut néanmoins deux cadeaux inestimables : son fils Thomas, dont je suis le parrain et, depuis peu, la naissance de sa petite fille Talia, qui l’emplit d’un immense bonheur et d’une grande fierté, tout en la laissant quelque peu perplexe : grand-mère, elle ? C’est qu’elle avait gardé des manières de petite fille qui ne veut pas vieillir. Elle s’était ainsi réfugiée dans son monde à elle, celui du théâtre, du cinéma et, surtout, de l’opéra, qui remplissait sa vie : elle n’hésitait pas à assister plusieurs fois de suite à un spectacle qui la passionnait. Il est frappant de noter que, dans les deux semaines ayant précédé sa disparition, elle a vu et entendu ses 3 héros, dont elle était une amie proche : Valery Gergiev à Saint-Petersbourg, Placido Domingo à Londres et Lambert Wilson à Paris.

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Elle avait un jugement musical très sûr, celui d’une grande professionnelle et les plus grands artistes aimaient solliciter ses conseils. Elle était en même temps restée une « amateure » au meilleur sens du terme, et parfois au moins bon, aussi. Son allergie aux technologies modernes la privait de tout recours à un ordinateur ou même à un téléphone portable, ce qui compliquait régulièrement ses relations, tant personnelles que professionnelles.

L’émotion que sa disparition a suscité dans le monde musical prouve que, contrairement à ce qu’elle pouvait parfois elle-même penser, elle était considérée comme une référence en matière d’opéra. Elle va laisser un grand vide qui ne sera pas facile à combler.

(Alain Lanceron est président de Warner Classics et d’Erato)

 

L’oreille, l’oeil et la mémoire
Richard Martet

 

Elle était l’une des figures incontournables de la presse musicale depuis près d’un demi-siècle. Passionnée d’art lyrique depuis l’enfance, Monique Barichella avait très vite commencé à rendre compte des spectacles qu’elle voyait, en particulier dans la revue Opéra, devenue Opéra International en 1977, puis Opéra Magazine en 2005,

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à laquelle elle est demeurée fidèle jusqu’à la veille de sa disparition (ces dernières années, elle avait parallèlement rejoint l’équipe de Classica et du site altamusica).

Grande voyageuse, Monique était partout. On l’avait vue à l’Opéra de Paris la veille, on la retrouvait le lendemain au Covent Garden de Londres, au Staatsoper de Vienne ou au Metropolitan Opera de New York, trois de ses scènes de prédilection. Jamais elle ne se lassait, écrivant souvent ses articles dans le train ou P1000054.JPGl’avion qui la ramenait de l’autre bout du monde. Elle aimait tellement le spectacle d’opéra en tant que tel, ainsi que les artistes, qu’elle n’hésitait pas à revenir voir la même production plusieurs fois au cours de la même semaine.

Mais ce qui la rendait précieuse, c’était d’abord son oreille. Monique ne se trompait pas sur ce qu’elle entendait et savait séparer le bon grain de l’ivraie, le talent authentique de la fausse valeur montée en épingle par une campagne de promotion savamment orchestrée. Ceci valait pour les chefs comme pour les chanteurs, et ses lecteurs lui en étaient reconnaissants.

Même chose pour le regard qu’elle portait sur les mises en scène. Entrée dans le métier à une époque où celles-ci étaient généralement tenues pour quantité négligeable, elle avait vécu la montée en puissance des « metteurs en scène rois », ceux auxquels on accorde la priorité par rapport aux chefs et aux chanteurs. Elle aimait les productions novatrices, voire iconoclastes, mais repérait très vite celles relevant de l’imposture ou du caprice.

Surtout, Monique était une mémoire. Elle avait vu et entendu les plus grands : Callas, Tebaldi, Varnay, Mödl, Del Monaco, Corelli, Vickers, Christoff, Karajan, Solti, Böhm… et vingt fois plutôt qu’une ! C’est en les écoutant qu’elle avait formé son oreille et elle éprouvait, pour beaucoup d’entre eux, une admiration proche de la vénération. Elle vouait, par exemple, un culte à Leonie Rysanek.

Leonie Rysanek, Elu, Cat Malfitano Dec 90.jpg

Mais cette adoration ne l’empêchait pas de défendre, avec un enthousiasme identique, les grandes Sieglinde et Chrysothemis d’aujourd’hui, telle Eva-Maria Westbroek. Chez Monique, mémoire ne rimait jamais avec nostalgie et ses lecteurs, là encore, lui en savaient gré.

Monique nous a quittés en quelques jours, de manière particulièrement brutale. Sa disparition laisse un grand vide, tant auprès des équipes de rédaction qui travaillaient avec elle que de tous ceux qui avaient l’habitude de la rencontrer, chaque soir ou presque, dans le hall des théâtres et salles de concert. Car elle était de ces présences que rien ni personne ne remplace. 

(Rédacteur en chef d’Opéra Magazine)

 

Monique Talia Avril 2014 Paris.JPG

1. Monique, New York, 5 février 2009

2.   2.  Montserrat Caballe, Monique et son fils Thomas, Alain Lanceron, la marraine de Monique, Nice, 1976

3.   3. Monique et Lambert Wilson, non daté

4.   4. Placido Domingo, Marta Domingo et Monique il y a (au moins) 45 ans

5.   5. Les mêmes en 2011

6.   6. Léonie Rysanek, Elu, Catherine Malfitano, Monique, déc. 1990

 7. Monique et sa petite fille Talia, avril 2014

 

Merci à Thomas pour ses photos personnelles qui ponctuent la vie de Monique.

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